Des enfants élaborent leurs propres solutions pour changer leur vie
March 2016
A l’automne dernier, Aimé Bada et James Boyon, respectivement Chargé de Formation à Enda Tiers Monde et Chargé de la protection des enfants au MAEJT, ont accordé une interview à Child to Child pour discuter du Mouvement Africain des Enfants et Jeunes Travailleurs (MAEJT). Le MAEJT est une organisation dirigée par des enfants et jeunes travailleurs, qui leur donne la possibilité de trouver des solutions à leurs problèmes et de changer leurs situations.
En 1994 un groupe d’enfants et de jeunes venant de quatre pays d’Afrique décida de fonder le Mouvement Africain des Enfants et Jeunes Travailleurs (MAEJT) en Côte d’Ivoire, partant du principe que les enfants ont souvent un même objectif, de mêmes perspectives de vie. L’organisation s’est vite élargie – opérant aujourd’hui dans 27 pays à travers le continent africain – sans pour autant perdre son mode de fonctionnement bien particulier, où les enfants décident. Ils représentent aujourd’hui 73% des membres.
A travers cette organisation les enfants et jeunes se réunissent pour discuter des problèmes qu’ils rencontrent dans leurs communautés et réfléchir aux solutions possibles pour chacun. Ce sont eux qui décident des solutions à apporter, qui donnent des conseils et orientent les autres enfants. Ils sont considérés comme experts de leur réalité et reconnus comme tels par la société.

Veuillez trouver ci-dessous des extraits de notre intéressante discussion avec Aimé et James.
Comment est venue l’idée de créer cette organisation ?
Au commencement, les enfants eux-mêmes ont créé le groupe – on parle d’enfants travailleurs, aussi bien des employés de maison, des mécaniciens, des cireurs de chaussures, des enfants dans les ateliers de maçonnerie, ou qui aident le travail à la maison. Ils ont regardé la situation dans laquelle ils vivaient et ont cherché à prendre en charge leur destinée. En identifiant leurs droits, ils ont pu les exercer véritablement, et réfléchir à savoir comment améliorer leurs conditions de vie.
Ensuite l’organisation a grandi et les enfants sont devenus jeunes et adultes! Ils sont maintenant capables d’aider les autres enfants qui rejoignent l’organisation et de leur donner des conseils.
Quel est le niveau de participation des enfants dans l’organisation ?
Plus qu’impliqués, ce sont les enfants eux-mêmes qui prennent en charge les activités. L’association n’est là que pour les accompagner, pour leur donner un soutien technique pour mettre en œuvre leurs solutions, celles qui marchent pour eux dans leur démarche de travail.
En fait les enfants se sont appropriés les espaces que les adultes leur avaient offerts, afin de défendre leurs droits. Ils en ont littéralement pris possession! Ainsi le Conseil d’administration est constitué de sept membres, cinq enfants et deux jeunes, qui sont assistés par un animateur.
Les adultes ont-ils rencontré des difficultés à travailler de cette manière participative avec les enfants ?
Non, ce n’est pas difficile pour les adultes. Notre approche consiste à accompagner ce qui est fait, pour que les enfants puissent réaliser les choses par eux-mêmes.
Pour les gouvernements, par contre, cela a été difficile de reconnaître des enfants travailleurs et leurs associations, à cause des clauses établies par les conventions internationales et l’Organisation Internationale du Travail (OIT), qui généralement sont contre le travail des enfants quelles que soient les circonstances. Dans certains cas les associations ont vraiment dû s’affirmer, les enfants ont dû expliquer longuement leur démarche, avant d’être acceptés.
Pouvez-vous nous donner des exemples de projets mis en place par les enfants ?
En fonction de leurs besoins les enfants travaillent sur 12 droits, qui cadrent le travail de l’organisation : le droit à une formation pour apprendre un métier, le droit de rester au village, le droit d’apprendre à lire et écrire, le droit à des soins de santé, le droit d’exercer ses activités en toute sécurité, le droit à un travail léger et limité, le droit à des repos maladie, le droit d’être respecté, le droit d’être écouté, le droit de s’amuser, le droit de jouer, le droit de s’exprimer et de s’organiser, le droit à un recours et à une justice équitable en cas de problèmes. Ainsi ils ont mené récemment des activités pour lutter contre l’exploitation et contre le mariage des enfants.
Les organisations mènent également des activités de formation et de plaidoyer aujourd’hui, notamment à travers des dessins animés – sur la migration et la mobilité des enfants, sur comment prendre en compte les risques et les dangers, et sur le mariage des enfants. Les trois dessins animés ont été diffusés à la télévision dans certains pays.
Le thème principal des activités reste le droit d’apprendre à lire et écrire. Pour des raisons socioéconomiques les enfants avec qui nous travaillons doivent travailler pour survivre, mais ils ne peuvent pas avoir accès à l’éducation car l’école a lieu en même temps que le travail. Donc les enfants doivent choisir : soit aller à l’école mais sans suivre grand chose et être tiraillé par la faim, soit faire une activité avec quelque chose dans le ventre et avoir un avenir. Mais ils connaissent l’importance de l’écriture, de la lecture et de savoir compter, donc ils ont développé des connections dans des écoles qui leur laissent des salles le soir, où ils peuvent mettre en place des « espaces d’alphabétisation » avec souvent un moniteur pour les accompagner dans l’apprentissage éducatif. Ainsi, le soir, les enfants employés de maison peuvent aller dans ces salles retrouver d’autres enfants de leur âge pour apprendre à lire et écrire.